lundi 18 octobre 2010

Banquer avec des amis



C’est la traduction littérale de « Banking mit freunden », la devise de la banque allemande Fidor Bank AG, la première banque en ligne coopérative, communautaire et participative. 

Faisons rapidement les présentations : la société Fidor AG conseille les banques allemandes sur leur stratégie marketing / web depuis 2003. En 2009, ils lèvent plus de 3 millions d’euros auprès d’XAnge (structure de capital risque, filiale du groupe français  La Poste) afin de développer à grande échelle leur projet de banque en ligne 2.0 : Fidor Bank AG.  

J’ai eu la chance de rencontrer Matthias Kröner, le CEO et fondateur bavarois de Fidor au dernier Lab Postal (je remercie Nicolas D. au passage), et le moins qu’on puisse dire est qu’il s’agit là d’un patron et d’une entreprise atypique.


Matthias Kröner
Le concept de Fidor Bank est vraiment innovant : il s’agit de placer le client au centre de la vie de la banque.  Désormais le client (en plus de devenir actionnaire de la banque) est celui qui va proposer les produits financiers qui l’intéressent, comparer et faire remonter les offres concurrentes plus compétitives, partager son expérience (bonne ou mauvaise) et donner des conseils utiles, prêter ou emprunter de l’argent  à d’autres clients, etc... Le tout via Facebook, Twitter ou Youtube. C’est une véritable révolution, car les réseaux sociaux constituent ici un axe primordial de la stratégie, et non un simple vecteur supplémentaire de communication descendante.

Un exemple concret : afin d'animer cette communauté et d’inciter tout le monde à jouer le jeu, Fidor rétribuera les clients les plus actifs et les plus prompts à répondre aux questions des autres clients. Le fait de retweeter à ses amis une offre de Fidor Bank que l’on jugerait intéressante, sera aussi récompensé financièrement.

Lorsque précisément je demande à Matthias si le fait de rémunérer le retweet ne risque pas de brouiller le message, et d’attirer la méfiance des clients il répond : « C’est possible. Je conçois Fidor comme une expérience à grande échelle. Si le fait de rémunérer le retweet de nos offres doit gêner nos clients ou entrainer des comportements néfastes, alors nous arrêterons de le faire et nous essaierons autre chose. »

C’est vraiment ce qui fait l’originalité de cette démarche : Fidor défriche ce que pourrait être la banque de demain, et assume le risque de se tromper, de tâtonner avant de trouver son modèle. C’est à saluer… et à surveiller de très près.



vendredi 15 octobre 2010

Betterment... a change for the better ?





Finnovate Fall 2010, le salon de l’innovation du secteur financier, qui se tient tous les ans à New York vient de se terminer. Cette année, les « best of shows » (meilleurs projets présentés) sont revenus à Betterment, Billshrink, Bundle, Dynamics, oFlows, PayNearMe et SecureKeys.

De tous les lauréats, le plus marquant (et à mon sens le plus dans l’air du temps) est certainement Betterment. Ce site américain de placement financier en ligne s’inscrit directement dans la lignée des nouveaux services gamifiés et sociaux que j’évoquais dans un ancien post.

Les fondateurs de Betterment ont créé ce nouveau service financier avec l’ambition de concilier la performance (et le risque) des produits spéculatifs avec la simplicité de l’épargne. Ils le revendiquent eux-même : Betterment doit se voir comme un produit d’épargne plus qu’un placement. Sauf qu’il n’en est pas vraiment un…

De quoi s’agit-il ? En fait betterment.com permet de manière très simple et ludique de :
-          Créer un compte gratuitement
-          Importer de l’argent de son compte courant vers son compte Betterment.
-          Ajuster visuellement, grâce à 2 potentiomètres, le niveau de risque à associer à son placement, en fonction du niveau de performance souhaité.
Betterment transforme alors en temps réel  le niveau de risque choisi en un assemblage d’obligations d’état (bons du trésor) et d’actions. Les ordres sont passés, et votre argent investi, immédiatement. C’est aussi simple que cela.
 
Bien sûr, comme chez Mint, il est possible de comparer son niveau de risque avec celui de ses pairs (selon sa tranche d’age et/ou sa csp) et d’échanger avec la communauté Betterment. Il existe aussi une appli iPhone.




Ce qui frappe à première vue c’est la simplicité et le design de l’interface web. Cela fait réellement penser à un jeu. C'est déstabilisant et on peut se poser de ce fait au moins 2 questions :

-          Est-ce une arnaque ? 
Non.  Betterment n’exige pas de montant minimum pour l’ouverture d’un compte. On peut modifier le niveau de risque (et donc la composition de son portefeuille) à volonté sans frais, le site se rémunère en prélevant 0.9% par an du montant investi. Si l’on compare à un broker en ligne qui retient quelques dollars sur chaque transaction, le bénéfice est réel dès lors que l’on est un peu « actif ». En revanche les frais sont plus importants que pour le même type de produit chez Vanguard par exemple, mais qui s’adresse lui à des utilisateurs plus "experts".

-          N’est-ce pas un peu trop opaque ? 
Certainement. Bien que l’on puisse accéder à la composition détaillée de son portefeuille, on ne peut pas dire qu’elle apparaisse clairement. La plupart des clients de Betterment ne regarderont sans doute jamais sur quelles valeurs ils ont investi.

Pour conclure, si d’un point de vue purement technique Betterment est une réussite (la conception du produit est aboutie, le design et l’ergonomie du site très étudiés),  il n’est peut-être pas à mettre entre toutes les mains. La stratégie consistant à attirer les "csp moins" sur un produit à risque en le faisant passer pour un produit d’épargne est à mon sens dangereuse. Elle laisse en tout cas planer un malaise, pour peu que l’on repense à l’histoire économique récente. 

mardi 5 octobre 2010

De l'échec de Wesabe...



A ceux qui s’intéressent de près aux outils de Personal Finance Management, mais aussi à tous les autres que la langue de Shakespeare ne rebute pas, je conseille de lire le (long) billet que Marc Hedlund a posté sur son blog à propos de l’échec de Wesabe face à Mint.

Avec une rare élégance et en toute franchise, l’ex CEO et co-fondateur de Wesabe livre son sentiment sur les raisons de l’échec de son site web de gestion de finances personnelles. Sa conclusion est que ce n’est ni le manque de revenus, ni le fait d’être parti les premiers, ni même parce qu’ils n’ont pas voulu utiliser la plateforme d’agrégation de Yodlee qui est la cause de cette faillite. La raison principale c’est que Mint a fait simple pour une satisfaction immédiate de l’utilisateur, alors que Wesabe cherchait à être performant mais demandait en échange une implication plus importante du client.

Mint proposait une interface simple et esthétique, avec un minimum d’interventions de la part de l’utilisateur. Son procédé de catégorisation automatique était flou et ses déductions souvent fausses ? C’est vrai… mais en fin de compte peu de clients s’en sont aperçus. Ils n’utilisaient Mint que pour avoir une vue grossière de là où partait leur argent. 

Dans un contexte de crise économique, Hedlund voulait « résoudre les problèmes des gens », en collant au plus près de leurs besoins. Pour ce faire il leur demandait un effort de saisie et d’édition supplémentaire. In fine, même si Wesabe était certainement supérieur en termes de service rendu, c’est ce manque de satisfaction immédiate de l’utilisateur qui aura été déterminant.

Même si je ne partage pas entièrement son analyse (notamment sur le choix de ne pas travailler avec Yodlee), je ne peux que souscrire à la conclusion de Hedlund : « Focus on what really matters: making users happy with your product as quickly as you can, and helping them as much as you can after that. » Satisfaire le client tout de suite avant de lui rendre service.  

Comme me l’exposait il y a quelques semaines le Directeur Marketing d’une (petite) banque française : « La gestion de finance personnelle n’intéresse au mieux que 10% des gens. Et pour ceux là l’offre est déjà relativement conséquente. L’enjeu aujourd’hui c’est d’adresser les 90% restant avec des services simples et ludiques, ne nécessitant aucun effort de leur part. »

vendredi 1 octobre 2010

Le mobile au secours du chèque




Quelques jours après PayPal, c’est maintenant au tour de Chase d’annoncer une application iPhone pour le dépôt de chèque. Le principe est simple : il suffit de lancer l’application, saisir le montant du chèque, le prendre en photo (recto puis verso) et de valider. Quelques secondes plus tard (si les photos sont nettes) le montant du chèque est crédité sur votre compte. 

La petite banque texane USAA avait inauguré le principe en aout 2009. Pour cette enseigne qui ne disposait que de très peu d’agences, il s’agissait alors d’un pari important. Le succès un an après a dépassé toutes leurs attentes : 120.000 téléchargements de l’application iPhone le premier mois, plus de 10.000 nouveaux clients et un volume de dépôts de 36 millions de dollars. Pas étonnant que les plus grandes institutions financières américaines se précipitent aujourd'hui pour copier l’initiative.

Pour autant on peut se demander si le service proposé n’est pas tout de même de l’ordre du gadget. Hormis l’avantage de pouvoir être crédité immédiatement (contre un ou 2 jours d’attente pour une remise de chèque en agence), difficile de voir une réelle évolution. Le format papier est conforté (le chèque est simplement numérisé par le client), il ne s’agit donc pas vraiment de dématérialisation. Quant à la sécurité du procédé, elle peut légitimement être sujette à questions.

En Europe, le chèque a quasiment disparu de la circulation. La France est (avec Chypre et Malte) l’un des derniers bastions historiques de ce support. Ici ce sont les banques directes qui, ne disposant pas de guichets, sont en première ligne pour proposer des solutions de chèques dématérialisés. Mais que ce soit Boursorama avec Easy-chèque ou Monabanq avec le bordereau numérique, elles n’ont pas non plus trouvé la formule pour se passer complètement du papier.  

En attendant l’extinction lente et programmée de ce moyen de paiement archaïque, il semble donc que les banques se soient résolues à rendre simplement un peu plus « fun » l’encaissement voire l’émission de chèques. Un choix pragmatique, et semble-t-il payant.